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Les conditions de validité d'une clause de non-concurrence ne s'appliquent pas à une clause de non-réaffiliation

Deux époux avaient signé un contrat de franchise pour 7 ans avec un franchiseur pour l'exploitation d'une superette à l'enseigne "Shopi". Ce contrat contenait une clause prévoyant que, en cas de rupture anticipée des relations contractuelles, les franchisés "s'engageaient à ne pas utiliser, pendant une période de un an à compter de sa résiliation, une autre enseigne de renommée nationale ou régionale, déposée ou non, et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes dans un rayon de 5 kilomètres du magasin".

Avant l'expiration du délai de 7 ans, les époux résilient unilatéralement le contrat de franchise et ne respectent pas la clause. Poursuivis en justice par le franchiseur, les époux plaident la nullité de cette clause. Et dans un premier temps, ils obtiennent gain de cause auprès des juges du fond.

Leur argumentaire était le suivant : cette clause s'analyse en une clause de non-concurrence car elle restreint la possibilité pour le franchisé de poursuivre son activité dans les mêmes conditions avec une enseigne concurrente. Or, une clause de non-concurrence doit pour être valable satisfaire à certains critères :

-être limitée dans le temps et l'espace,

-ne pas porter une atteinte trop grande à la liberté de l'ex-franchisé et ne pas lui interdire l'exercice normal de son activité professionnelle,

-être justifiée par un intérêt légitime et être limitée à ce qui est indispensable à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur.

Les franchisés ont convaincu les juges que la clause n'était pas valable parce que non justifiée par un intérêt légitime : le franchiseur n'a produit aucune pièce de nature à justifier de la transmission d'un savoir faire spécifique, original justifiant la protection du réseau, distinct de la seule transmission de l'expérience de gestion du franchiseur et de la formation aux techniques commerciales relevant d'un savoir-faire banal. Bien au contraire, cette clause n'avait d'autre but que de rendre plus difficile la pénétration du marché par des enseignes concurrentes ; elle est également disproportionnée par son objectif car elle faisait perdre toute possibilité de survie au commerce des époux (ce petit magasin, installé dans un chef-lieu de canton de l'Oise n'avait d'espoir de perenniser une exploitation économiquement viable qu'en ayant recours à un approvisionnement en provenance d'un réseau ou d'une centrale d'achat permettant l'accès à des prix compétitifs).

Sur saisine du franchiseur, la Cour de cassation a censuré la décision des juges d'appel. Beaucoup moins sévère pour le franchiseur, la Cour suprême a reconnu son bon droit estimant que la clause dont il se prévalait était au contraire bien valable. En effet, il convient de bien distinguer ce qu'est une clause de non-concurrence (qui vise à limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu'il quitte) et une clause de non réaffiliation (qui se borne à restreindre la liberté d'affiliation du franchisé à un autre réseau). Dans cette affaire, il s'agissait d'une clause de non-réaffiliation et donc il n'y avait pas à juger de sa validité au regard des stricts critères applicables aux clauses de non-concurrence.

En d'autres termes, il est plus facile de faire appliquer une clause de non-réaffiliation.

Cass. com 28 septembre 2010, n° 09-13.888